73 canal bordé de grands arbres verts et de grasses prairies. Après avoir amarré notre tjalk auprès de cimetiere des juifs, nous poursuivimes notre chemin par une longue avenue qui, cótoyant le canal, se continue jusqu'au centre de la ville. Figurez vous une superbe nappe d'eau bordée, de chaque cote, par une longue bande de gazon vert, sur laquelle paissent de gros moutons blancs, pris, abrités par de grands arbres centenaires, une allée en briques, des trottoirs et des maisons qui, a mesure qu'on s'avance dans 1'intérieur de la petite cité, se montrent plus vénérables, plus agées, plus penchées et, par modeste sans doute, ca- chent leurs pignons sculpté dans le vert feuillage. II est difficile de souhaiter un chemin plus agréable, et cependant, le soir que nous arrivames, nous le trouvames, long, trèsdong, trop long, car il pleuvait a torrents et nous étions mouillés, trempés des pieds a la tête. Comme la pluie redoublait de force, et qu'il nous fallait suspen- dre notre promenade a la découverte, nous cherchames un abri et nous nous precipitames dans le premier qui s'offrit a nos yeux.C'était un café. Mais un café spécial, comme on n'en vit jamais, comme on n'en rencontrera plus. Un café sans gargon, sans clients, sans consommateurs, sans lumières. II était tenu par trois vieilles femmes, si bien de même age, si uniformément grises, si pareillement éden- tées, qu'on ne les pouvait distinguer 1'une de 1'autre qu'en les voyant ensemble. Elles étaient vêtues de même et, par la vie commune, elles avaient contracté le même sourire, les mêmes gestes, un maintien pareil et des intonations identiques. Malgré moi, en les voyant si semblables, je me souvins le Trois Graces du bonhomme Smits. Connai- sez-vous cette délicieuse peinture, ce ravissant tableau de chevalet? Telles étaient les trois limodières d'Edam. Elles nous avouèrent bien franchement que nous étions les seuls, clients qu'elles eussent vus depuis longtemps, et que, si elles continuaient a tenir cette maison, c'était par tradi- tion et pour ne pas renoncer a la profession paternelle. Elles ajoutèrent qu'au temps de leur jeunesse, les jeunes

Periodieken van Erfgoed Vereniging Heemschut

Heemschutserie - Boekje 1941-1954 | 1948 | | pagina 71